Blogue Pouding

Une île

J'ai résisté toute ma Vie. Lutté contre. Contre tout. Dit non, je ne veux pas. Repoussé, tout, sans cesse. Je ne suis pas disposé à. Pour ne laisser passer à l'intérieur de moi que le plaisir d'Être, par moi-même, pour que ce plaisir pousse à l'extérieur de moi tout ce mal-être qui m'habite. En vain. Réaction animale primaire de lutter contre, qui mène à l'échec.

Après bien des échecs, un million de fois plus imaginés que réels, j'en ai eu assez. Tel l'animal défait, prêt à me faire démembrer, je me suis délaissé de beaucoup de mes oppositions. En conservant quelques défenses existentielles. Je me suis voué à l'abandon, à la démolition du mur érigé en moi contre les autres, à l'acceptation, à la destruction de l'égo. Un chantier naval infini. De plus en plus nu face à l'Univers. Moins face aux autres. Juste assez.

Je résiste encore, toujours autant, au moins quelques fractions de secondes avant que la raison n'intervienne et que le réflexe ne s'estompe, quelquefois plus. Moins qu'avant. Toujours moins qu'hier.

Je ne reconnais plus personne. Autrefois à l'assaut de ma forteresse, ils ont tous déserté. Et depuis je rame, avec l'espoir de ramener mon île près du continent, avec l'espoir que quelqu'un aperçoive mon drapeau blanc.

Et là je me rend compte de l'absence. Le continent n'existe pas, fragmenté en autant d'îles qu'il y a d'individus. Dans chaque île un mur. Derrière chaque mur je ne sais quoi.

Je cherche une île comme la mienne, avec un mur démoli et un drapeau blanc, pour construire un pont. Ou joindre les plaques tectoniques. Pour le moment, tout ce que je vois, à perte de vue, ce sont des murs.