Blogue Pouding

La question

Une question m'obsède d'une façon particulière, d'une façon qui semble n’obséder que moi, parce que je n'ai à ce jour rencontré aucun semblable, au moins une autre personne à la fois obsédée par la même question et résolue à y trouver une réponse vraie, vraie au point de considérer toutes les réponses possibles comme fausses au départ. Bref, de donner à cette question une réponse complète, qui soit profondément réfléchie, mûrie, analysée, comparée, hachée menue, désassemblée, ressassée, pourfendue, trucidée, argumentée, défendue, rejetée, voire amoindrie et diluée dans le bouillon de toutes les premières réponses venues.

Après quelques dizaines d'années à n'être plus que l'ombre de moi-même, à devenir le jouet puis la proie de cette question qui m'obsède, à véritablement frôler la folie tant je n'ai eu d'autre choix que de me vouer corps et âme à la recherche d'une réponse qui me satisfasse, dans la solitude foisonnante de ma pensée, et à travers toutes mes expériences de vie, j'y arrive. Après tout ce temps donc, me voici prêt à enfin livrer une réponse à cette question qui m'obsède. Et je me sens aujourd'hui bien seul. C'est qu'à travers cette quête, j'ai sacrifié toutes mes relations. C'était forcé. Je n'aurais jamais pu partager ma quête avec une autre personne. Comment aurais-je pu trouver le temps de résoudre cette question qui m'obsède, et au même moment gérer les fous contaminés par mon obsession?

Parce que déjà beaucoup d'illuminés habités par des questions obsédantes ont bâclé leur travail, et que bien du sang, de la violence et des pleurs ont été vainement répandus, je me suis employé à ne jamais céder à la tentation de communiquer des réponses simplistes et séduisantes parce qu'incomplètes, de la sorte de celles pouvant séduire quelques disciples. Parce qu'il n'y a rien de plus dangereux que de donner des réponses incomplètes et irréfléchies à des questions existentielles. Pensez aux idéologies politiques, et méditez un moment sur les conséquences des discours tenus dans tel ou tel manifeste politicien. Si les questions originelles obsédantes servant de trame à tel ou tel livre avaient été examinées à fond avant sa parution, sous toutes leurs coutures, à travers de nombreuses années d'études, il est peu probable que telle ou telle idéologie et leurs funestes suites aient jamais vu le jour. Pensez à toutes les écoles de pensées, incluant les religions, celles dont les noms finissent en -isme, et demandez-vous en quoi celle-ci ou celle-là ne serait en fait que la réponse partielle et irréfléchie à une question existentielle complexe, jadis obsédante pour tel ou tel quidam devenu icône de quelques disciples de disciples.

En cela, la question qui m'obsède et mes efforts pour y trouver une réponse vraie et satisfaisante se rapproche d'une entreprise philosophique, sans en être vraiment une. Parce que je ne prétend pas apporter de réponse universelle à la question qui m'obsède, ou fonder une école de pensée. Ma réponse à cette question sera bien personnelle. Et tant mieux si cette réponse plaît à au moins une seule autre personne, quoique le but de tout cet exercice ne soit que de me libérer du fardeau de ma quête, de livrer la réponse la plus vraie qui soit de la manière la plus indiscutable possible, et non pas de convaincre. Car il est vrai qu'au terme de ce premier texte, je me considérerai complètement libéré de cette question qui m’obsédait jusqu'à aujourd'hui. Cette question ne m'obsèdera plus. Je serai libéré, prêt à poursuivre ma route, beaucoup plus léger que la veille, car l'obsession me pèse.

Avant de vous dire la question qui m'obsède, je dois vous mettre en garde. La question en question couvre large, beaucoup plus large que la réponse que j'y donnerai. En fait, trop large pour tenter d'y répondre dans tous ses aspects sans y consacrer plusieurs vies. Et parce que tant de penseurs et de philosophes ont déjà avant moi trouvé tant de réponses visant les aspects les plus universels liés à cette question qui m'obsède, je ne me concentrerai que sur ses aspects les moins universels, ceux les plus proches de ma personne et de mon quotidien, parce que c'est là où j'en suis. Parce que c'est peut-être le sens de la vie que de partir du général pour en arriver au particulier?

Alors donc, quelle est cette question profonde qui m'obsède et à laquelle je me dois de trouver une ou des réponses vraies et satisfaisantes? Je crois que j'ai oublié. Merde!